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« Une conférence gesticulée est une prise de parole publique qui porte nécessairement une une dimension politique. Elle naît d’une décision personnelle mais s’élabore au cours d’une formation collective : c’est un acte d’éducation populaire. Sa mise en forme est le fruit d’un tressage entre des savoirs chauds, des savoirs froids et parfois un troisième fil. Elle conduit à un atterrissage politique… et une sacrée aventure ! »

Une prise de parole publique

La conférence gesticulée est présente dans les cafés associatifs ou les festivals militants, dans les syndicats ou les associations, parfois sur des scènes culturelles. Elle est souvent relayée sur internet, ce qui permet de toucher le public qui n’a pas accès à ces lieux et souhaite aiguiser sa pensée critique.

La conférence gesticulée est une prise de parole publique, qui se fait devant des spectateurs désireux de mieux comprendre les rouages des rapports de domination, de partager une analyse radicale, anticapitaliste. Si le public est parfois déjà convaincu du danger de ce système, il vient chercher dans le témoignage du/de la conférencière des éléments d’analyse incarnées, compréhensibles, sensibles.

La conférence gesticulée, est faite pour diffuser des idées, faire entendre une autre histoire, un autre discours que ceux des dominants et concurrencer l’occupation du terrain des idées par les médias complaisants, grâce à nos mots, nos analyses, nos vies.

Elle n’utilise pas les codes du théâtre. Ce sont des vraies personnes, sans artifice, qui incarnent le sujet dont elles parlent, viennent prendre la parole dans l’espace public, affirmer que leur légitimité tient à leur savoir d’expérience et que sa diffusion est politique.

Le contact avec le public est alors d’autant plus facile : beaucoup de conférences comprennent des temps d’échange, pendant ou après la conférence, rendant les spectateurs « sujets politiques », c’est-à-dire amenés à se penser et à se situer par rapport au sujet (et non pas à juger de la qualité de la prestation).

Prendre la parole en public est en général un acte de dominant. Décider de la prendre sans que l’on ait la légitimité de l’expert, du journaliste, de l’homme blanc bourgeois de plus de 50 ans est un acte subversif. En cela toutes les conférences le sont : elles sont toujours une prise de parole de quelqu’un.e qui, à un moment ou à un autre, a été exploitée, opprimée, dominée.

Prise isolément, chaque conférence tente déjà de faire la démonstration de la dimension systémique des formes de domination. Mais toutes cumulées, elles forment un grand puzzle qui montre la transversalité des piliers du capitalisme : classisme, sexisme, racisme qui œuvrent ensemble à renforcer le pouvoir en même temps que les inégalités. L’ensemble des conférences gesticulées mises bout à bout constitue une culture politique bien plus large que la somme des conférences, et toutes les nouvelles conférences continueront à renforcer ce mouvement politique d’éducation populaire !

Une dimension politique

Les mots libéralisme, capitalisme, violence, exploitation, domination, (dés)obéissance reviennent souvent dans les conférences gesticulées qui n’en seraient pas sans la dimension politique.

Par le tressage de nos expériences (savoirs chauds) et de nos analyses (savoirs froids), il s’agit de comprendre ce que nous vivons, de mettre à jour les dominations auxquelles nous sommes contraint.e.s dans nos rapports sociaux.
Il s’agit d’analyser politiquement, donc de rattacher nos expériences à un système, une organisation sociale, pour bien saisir, admettre et réaliser à quelle place nous nous situons, de quelle classe sociale nous sommes et avoir envie de s’émanciper de l’exploitation.

Comprendre que tout est politique !

Une formation collective

La formation collective consiste en plusieurs regroupements de quelques jours étalés sur plusieurs mois, souvent au vert, toujours en immersion. Le groupe vit des temps formels de formation mais aussi des temps informels de vie collective durant lesquels s’échangent énormément de savoirs, d’expériences, de points de vue qui vont permettre de créer la conférence de chacun.e.

Certes, rien « n’interdit » de faire sa conférence gesticulée dans son coin, mais l’expérience montre que sa construction dans ce cadre collectif est essentielle :

Puisque la conférence gesticulée consiste à nommer un problème rattaché à un système de domination à partir de sa propre expérience (une dimension politique), la formation permet justement de questionner les rapports de domination rapportés par l’ensemble du groupe et de faire évidemment des rapprochements utiles.

Une des étapes de la formation, qui alterne travail personnel et collectif, permet de se situer soi-même dans ces rapports de domination et sert à exprimer son expérience à partir de la place que la société nous assigne.

Le cadre du stage pose le groupe comme un espace de libre expression, de soutien dans l’élaboration de la conférence, souvent il donne de la force et du courage dans les moments de doute. Il offre aussi des questionnements qui vont faire mûrir et appuyer la pensée critique de chaque stagiaire.

Puisque nous cherchons tou.te.s, durant le stage, à dénoncer des rapports de domination, il y a de la transversalité dans nos conférences, elles se répondent, se nourrissent les unes les autres. Si, in fine, notre conf sera bien notre conf personnelle, c’est collectivement qu’elles s’élaborent toutes : en quelque sorte, ce sont tous les stagiaires qui sont responsables de toutes les conférences qui sortent de leur formation !

Il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur le groupe. Il donne des conseils sur le fond, la dimension politique, mais aussi sur la forme, la dimension scénique, en exprimant « ce que ça lui fait » de voir la personne présenter sa conférence. Il se fait parfois l’avocat du diable, en anticipant ce que le public pourrait mal comprendre, ou remettre en question dans la démonstration du/de la  gesticulant.e. Il ne s’agit pas de vouloir « avoir raison » face au public, mais il faut être capable de défendre son point de vue, et le groupe est un endroit de préparation, d’entraînement face à des résistances puissantes.

Au contact des autres, dans un cadre politique sécurisé, le stage permet finalement de se détacher de ses propres idées, d’observer ses préjugés, de déconstruire ensemble nos « croyances » pour avancer vers une critique radicale du système capitaliste.

En cela, la formation collective à la conférence gesticulée offre un bel espace bienveillant et impliquant, de co-construction en archipel d’un plaidoyer inclusif de progrès, fondé sur une réflexion co-élaborative discursive, grâce au maillage d’un process qui intègre projet innovant et développement personnel… Et encore, on n’a pas réussi à placer citoyen … Hahahaha ! 😉

Acte d’éducation populaire

L’élaboration collective de la conférence gesticulée dans le cadre de la formation est déjà un acte d’éducation populaire.

Le contenu de la conférence gesticulée s’élabore sur de l’expérience vécue et de l’analyse de ces expériences. Les spectateurs ne sont pas là pour dire « c’est bien, c’est pas bien », ils se disent « ha oui moi aussi j’ai vécu ça ! » ou alors « ha mais je n’avais pas vu les choses comme ça ». En cela les conférences gesticulée génèrent des savoirs émancipateurs partageables.

Depuis 2012, de plus en plus de conférences gesticulées voient le jour, et le partage de toutes ces expériences individuelles nous permet de construire collectivement un savoir populaire sur le fonctionnement et les mécanismes de dominations à l’œuvre dans le système actuel : capitaliste, sexiste, raciste. L’enjeu politique que nous soutenons est de nous armer collectivement pour lutter contre un système qui nous opprime et nous oppresse.

C’est bien de l’éducation populaire !

Savoirs chauds

La première règle d’une conférence gesticulée, c’est qu’elle raconte des morceaux de choix, des anecdotes de notre propre expérience, de notre histoire personnelle, souvent professionnelle mais pas seulement.

C’est cela, les savoirs « chauds », la vie en somme. Issus de notre parcours de vie, de nos engagements militants, ils démontrent par le vécu ce que provoquent l’injustice, le mensonge, le mépris, la domination, la violence.

Nous venons témoigner de situations vécues du dedans, intellectuellement, émotionnellement et dans nos corps.

Si nous restons seuls dans un coin, nous pensons que ces savoirs chauds sont uniques, isolés, « puisque c’est moi qui les ai vécus » mais dès l’instant où nous les racontons, ils font écho à ceux des autres, dans le public et chez les autres gesticulants.

C’est notre histoire personnelle (la petite histoire) que l’on resitue dans la grande Histoire. On peut la rattacher à l’actualité, à la manière dont les mêmes problèmes se posent aujourd’hui.

Le vécu, même ancien, d’un gesticulant.e est toujours l’actualité d’autres personnes, d’autres groupes : lutter contre ce que l’on dénonce reste fondamental.

Les autres savoirs, dits savoirs froids ajoutent des arguments aux intuitions politiques de notre exposé. Ils sont théoriques et permettent une analyse plus large et systémique.

Incarner cette articulation entre ces deux types de savoirs c’est aussi accepter de se livrer, de montrer nos émotions.

Savoirs froids

Les savoirs froids sont au service de notre analyse politique. Ils nous aident à comprendre le système dans lequel nous sommes pris et que nous voulons dénoncer en tant que gesticulant.e (système capitaliste, système de domination sociale, de genre et raciale).

Au cours du stage de création de la conférence gesticulée, on complète la pensée critique que le.la gesticulant.e porte déjà en arrivant (intuition ou pensée travaillée, élaborée dans des contextes de lutte, de politisation) par des références théoriques déjà mobilisées pour d’autres histoires ou bien spécifiques à la sienne.

Ces références sont des livres, des articles universitaires ou des conférences, des podcasts, des films, etc.

Ces savoirs sont certes utiles, mais uniquement s’ils sont au service du témoignage vécu par la gesticulante. Pour que ça fonctionne bien, ils doivent être en quelque sorte digérés, incarnés par le.la gesticulante.

S’ils sont seulement exposés et étalés, ils deviennent à leur tour un outil de domination et d’oppression, empêchant le public de se faire un avis politique à  partir de son propre vécu, en lui imposant l’analyse de l’expert.

Les références qu’on va mobiliser sont de deux ordres :

  1. les analyses et références utiles sur le sujet-même de la conférence gesticulée : spécificités professionnelles, techniques, historiques, textes officiels, lois, etc.
  2. les analyses politiques plus larges, qui permettent de prendre du recul, de comprendre qu’il s’agit d’un système (c’est la « critique systémique »). On va aller chercher de la matière chez les marxistes, les anti-capitalistes et tous les courants qui mobilisent la pensée marxiste pour dénoncer le patriarcat, le colonialisme, le classisme et toutes les formes de domination, d’exploitation et d’oppression systémique.

Bref, ces apports théoriques nous permettent de situer ce qu’on va raconter dans « la Grande Histoire », mais pas celle des dominants ! Celle de la lutte des classes, sous entendu sociales, de genre et de « race ».

Le troisième fil

L’utilisation d’un troisième fil, personnel, qui paraît ne rien avoir à faire avec le sujet, permet de faire des transitions, d’apporter des respirations dans le déroulé de la conférence gesticulée, utiles aux spectateurs mais aussi au.à la gesticulant.e. Il permet de dévoiler d’autres traits de la personnalité du.de la gesticulant.e. et de le.la faire voir sous un jour nouveau, de ne pas le.la figer dans son statut professionnel par exemple. Pour le public, il amène de l’inattendu, de la surprise, de la détente, dans une démonstration exigeant une attention soutenue.

Il peut aussi, mais ce n’est pas obligé, être une manière différente d’illustrer ou d’avancer dans le propos, d’apporter des éclairages complémentaires, en passant par d’autres formes : l’hommage à une personne, un parent, des choses qu’on sait faire (chanter, jongler…), des choses qu’on aime (tel roman qui nous a marqué, tel sport qu’on voudrait faire découvrir…)

 

L’atterrissage politique

L’atterrissage politique de la conférence gesticulée, c’est sa finalité, la direction vers laquelle le/la gesticulant.e nous emmène, au regard de ce qui a été raconté et analysé tout au long de sa conférence.

Le but est d’ouvrir des perspectives, collectives et individuelles, pour soi-même et pour les spectateurs, en renvoyant à des pistes de lutte accessibles, à des courants de réflexion et des actions collectives en cours ou issus de l’histoire des peuples, mais aussi à des questions restées en suspend pour le/la gesticulant.e.

L’atterrissage politique peut concerner l’échelle personnelle du/de la gesticulant.e qui expose comment il.elle pense pouvoir faire face à la situation vécue, en s’appuyant sur l’action collective notamment. Il porte aussi sur une vision plus large, celle de la société : grâce à ce qui vient d’être raconté, et à toutes les autres conférences gesticulées, grâce à d’autres moyens de comprendre, d’analyser, de lutter, nous tendons vers le renversement du capitalisme et la transformation profonde la société… !